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COMMENT AMÉLIORER LA PRÉVENTION, LES SOINS ET LE TRAITEMENT DU VIH ET DE LA TUBERCULOSE EN MILIEU CARCÉRAL
OFM Edition 8

COMMENT AMÉLIORER LA PRÉVENTION, LES SOINS ET LE TRAITEMENT DU VIH ET DE LA TUBERCULOSE EN MILIEU CARCÉRAL

Author:

Heino Stoever

Article Type:
POINT DE VUE

Article Number: 5

RÉSUMÉ Dans la mesure où la population carcérale se compose souvent de personnes présentant des facteurs de risque de contracter le VIH plus importants que celles issues de la population générale, le VIH et le sida constituent une grave menace pour la santé de toutes les personnes au sein des établissements pénitentiaires, à la fois les détenus et les surveillants

A l’épicentre mondial de l’épidémie de VIH, l’usage de drogues par voie intraveineuse, le partage de seringues, d’aiguilles et de matériel de consommation de drogues, les relations sexuelles non protégées, les multiples partenaires sexuels et une utilisation faible et peu systématique du préservatif sont parmi les facteurs qui contribuent à la propagation du virus [1]. De même, les détenus représentent une population vulnérable clé qui contribue à l’épidémie.

Dans la mesure où la population carcérale se compose souvent de personnes présentant des facteurs de risque de contracter le VIH plus importants que celles issues de la population générale, le VIH et le sida constituent une grave menace pour la santé de toutes les personnes au sein des établissements pénitentiaires, à la fois les détenus et les surveillants [2].

Le taux de déclaration de la tuberculose dans les prisons est de 11 à 81 fois supérieur à celui de la population générale. La situation est aggravée par l’émergence et la transmission de la tuberculose résistante aux médicaments, particulièrement la tuberculose multirésistante (MDR) et ultrarésistante (XDR).

Les facteurs de risque de tuberculose, d’hépatite A, B et C, et de maladies sexuellement transmissibles sont également plus importants chez les détenus que chez les individus issus de la population générale [2]. Ces maladies ont tendance à s’aggraver, notamment chez les personnes infectées à la fois par le VIH et la tuberculose : la tuberculose est la principale cause de mortalité chez les personnes séropositives en Afrique subsaharienne [3].

Ces facteurs contribuent notamment aux défis auxquels les autorités pénitentiaires et gouvernementales doivent répondre en vue de limiter les risques d’infection à VIH.

Les détenus et le personnel pénitentiaire sont souvent issus de communautés où l’on enregistre une forte prévalence de maladies infectieuses, dont le VIH/sida [2]. Les comportements à risque d’infection à VIH et de transmission d’autres maladies infectieuses initiés au sein des communautés s’aggravent souvent durant l’incarcération [2]. En Afrique australe, il semble que les relations sexuelles non protégées soient le principal mode de transmission du VIH ; elles sont responsables de la plupart des infections, tandis que le partage de rasoirs, d’instruments de tatouage et de piercing, et l’usage de drogues injectables, posent moins de problèmes [45].

Les viols et agressions sexuelles entre détenus, et entre détenus et surveillants, suscitent très peu d’attention en Afrique australe, bien qu’il s’agisse là d’une réalité en milieu carcéral. Peu d’études ont documenté le contexte dans lequel l’activité sexuelle se manifeste dans les prisons d’Afrique australe.

Sans ces informations, les interventions de prévention du VIH proposées pour les prisons d’Afrique australe seront fondées sur des hypothèses, ce qui pourrait rendre ces efforts inutiles face à l’épidémie qui sévit.

En Europe de l’Est et en Asie centrale, l’usage de drogues par voie intraveineuse demeure la principale cause de l’épidémie de VIH [8]. La surpopulation, une mauvaise ventilation, le manque d’accès à l’eau potable et une mauvaise alimentation sont à l’épicentre de la prévalence du VIH et de la tuberculose en milieu carcéral dans la plupart des pays. La surpopulation carcérale est un problème particulièrement grave pour de nombreuses autres maladies infectieuses. Dans la prison centrale de Maputo, la capitale du Mozambique, plus de 2 000 hommes sont incarcérés dans des locaux conçus pour recevoir au maximum 875 détenus. Cette situation est aggravée par l’absence quasi-totale de moyens de protection, tels que les préservatifs, les aiguilles et seringues stériles, la ventilation, l’éclairage, l’eau et une alimentation décente. Dans de nombreuses prisons d’Afrique australe, les taux de mortalité ont atteint des niveaux alarmants : ils sont surtout imputables à la co-infection VIH/tuberculose.

Il sera absolument essentiel pour les défenseurs de la santé mondiale, au niveau du processus décisionnel, d’aider à formuler des directives adaptées au contexte et susceptibles d’être appliquées à l’ensemble des établissements pénitentiaires, concernant la prise en charge du VIH et de la tuberculose en milieu carcéral. Les normes actuelles devront être évaluées au regard des normes internationales. Des politiques et directives claires devront être élaborées aux fins d’orientation. Le VIH peut faire naître l’espoir d’une amélioration de la santé des personnes détenues.

Outre les problèmes structurels et de surpopulation carcérale, les administrations pénitentiaires doivent faire face à des problèmes liés aux mauvaises conditions d’hygiène et au manque d’activités de réduction des risques, creusant ainsi le fossé entre la plupart des établissements et les normes internationales en matière de soins dans les prisons. Il est absolument indispensable d’accroître le nombre de professionnels de soins de santé qualifiés, l’un des obstacles majeurs à l’accès aux services, afin de répondre aux besoins de santé en milieu carcéral.

Toutefois, on constate globalement que les politiques gouvernementales et les dispositions légales relatives aux modalités de prévention limitent la portée des activités de prévention (distribution de préservatifs, par exemple).

Nombre de pays n’ont pas inscrit leurs programmes en milieu carcéral dans le contexte des programmes nationaux de santé publique, ou de lutte contre le sida et la tuberculose, si bien que les établissements pénitentiaires se retrouvent isolés sans possibilité de mettre à profit les ressources nationales existantes ou d’utiliser les matériels nécessaires pour mener des campagnes de sensibilisation. En outre, de nombreux pays ne sont pas en mesure d’assurer des services adéquats de santé au travail pour les personnels de l’administration pénitentiaire.

Suite à des visites et des évaluations menées dans des prisons d’Afrique australe et d’Europe de l’Est, il peut être conclu que les relations de même sexe se manifestent sous différentes formes, tout comme les comportements à risque liés à l’usage de drogues par voie intraveineuse. Par ailleurs, des facteurs liés aux infrastructures pénitentiaires, à la gestion des prisons et au système de justice pénale augmentent également la vulnérabilité au VIH, à la tuberculose et à d’autres risques sanitaires en milieu carcéral. Ces facteurs incluent la violence, les mauvaises conditions de détention, la corruption, le déni, la stigmatisation, la protection insuffisante des détenus vulnérables, le manque de formation du personnel pénitentiaire ainsi que l’insuffisance des services médicaux et sociaux [10].

La prise en charge efficace du VIH et de la tuberculose en milieu carcéral soulève d’autres questions plus vastes ayant trait à la justice pénale et aux politiques nationales. En particulier, la réduction de la durée excessive du maintien en détention provisoire et le recours systématique à des mesures alternatives à l’emprisonnement sont des éléments essentiels de la lutte antituberculeuse et anti-VIH, entre autres, en milieu carcéral.
L’ONUDC, l’OIT, l’OMS, le PNUD et l’ONUSIDA ont élaboré une palette complète d’interventions axée sur « la prévention, les soins et le traitement du VIH dans les espaces fermés, notamment les prisons ». [9]. Les interventions proposées sont fondées sur des faits démontrés et devront constituer un levier de financement futur pour les prisons. Cette palette comprend 15 interventions clés dont il faudra tenir compte dans tout processus de financement :

  1. Information, éducation et communication
  2. Programmes de distribution de préservatifs
  3. Prévention de la violence sexuelle
  4. Traitement de la toxicomanie, y compris traitement de substitution aux opiacés
  5. Programmes de distribution d’aiguilles et de seringues
  6. Prévention de la transmission par les services médicaux ou dentaires
  7. Prévention de la transmission par le biais des tatouages, des piercings et d’autres formes de pénétration cutanée
  8. Prophylaxie post-exposition
  9. Services de conseil et de dépistage du VIH
  10. Traitement du VIH, soins et soutien aux personnes malades ou infectées
  11. Prévention, diagnostic et traitement de la tuberculose
  12. Prévention de la transmission du VIH de la mère à l’enfant
  13. Prévention et traitement des maladies sexuellement transmissibles
  14. Vaccination, diagnostic et traitement de l’hépatite virale
  15. Protection du personnel contre les risques professionnels

Heino Stoever est professeur à l’Institut de recherches sur la toxicomanie de Brême et à l’Université des sciences appliquées de Francfort, en Allemagne.

Références

  1. ONUSIDA, Arriver au niveau zéro : le VIH en Afrique de l’Est et en Afrique australe, extrait de Regional Report. 2013.
  2. Jürgens, R., M. Nowak et M. Day, Le VIH et l’incarcération : les prisons et la détention. Journal of the International AIDS Society, 2011. 14(1): p. 26.
  3. Mukadi, Y.D., D. Maher et A. Harries, Taux de mortalité par tuberculose parmi les populations à forte prévalence de VIH en Afrique subsaharienne. Aids, 2001. 15(2): p. 143-152.
  4. Simooya, O.O., et al., « Derrière les murs » : une étude sur les comportements à risque de contracter le VIH et la séroprévalence dans les prisons zambiennes. Aids, 2001. 15(13): p. 1741-1744.
  5. Goyer, K. et J. Gow, Transmission du VIH parmi les détenus en Afrique du Sud : variables de risque. Society in Transition, 2001. 32(1): p. 128-132.
  6. Gear, S., Derrière les barreaux de la masculinité : viol masculin et homophobie dans les prisons sud-africaines. Sexualities, 2007. 10(2): p. 209-227.
  7. Singh, S., Etre ethnographe en criminologie dans une prison sud-africaine : dynamique et prévalence du VIH/sida dans la prison de Westville, Durban, Afrique du Sud. J. Soc. Sci, 2007. 15(11): p. 71-82.
  8.  Latipov, A. et al. Drogues illicites en Asie centrale : ce que nous savons, ce que nous ne savons pas et ce que nous devons savoir. Editorial. Extrait de : International Journal of drug Policy (prochaine édition 2014)
  9. http://www.unodc.org/documents/hiv-aids/HIV_comprehensive_package_prison_2013_eBook.pdf
  10. Office des Nations unies contre la drogue et le crime, Organisation mondiale de la Santé et Programme commun des Nations unies sur le VIH/sida, Le VIH dans les lieux de détention : une boîte à outils pour les décideurs, les responsables de programmes, les agents pénitentiaires et les prestataires de soins de santé en milieu carcéral (Vienne, Office des Nations Unies contre la drogue et le crime, 2008). Disponible sur www.unodc.org/documents/hiv-aids/V0855768.pdf (consulté le 25 octobre 2014).

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